samedi 28 février 2009

Sarkozy "m'a tuer"


"Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement", merci Boileau. C'est toujours aussi vrai, c'est de moins en moins pris en compte. Et le mauvais exemple vient de haut - enfin, de haut dans la hiérarchie sociale et politique - .

Barbara Cassin, philologue et philosophe, directrice de recherches au CNRS et du Centre Léon-Robin sur la pensée antique, le démontre superbement dans cet article délicieux d'ironie et d'amertume paru dans "Le Monde".


Mots-clef : langue française, syntaxe, orthographe, sarkozy, crise

jeudi 19 février 2009

CCOJB, attaque-moi...



Je propose au Comité de coordination des organisations juives de Belgique (CCOJB) de m'attaquer en justice.
Ce Comité a porté plainte auprès du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme à l’encontre d’ONG, de syndicats et de partis politiques qu’il estime être à l’initiative de la manifestation pro-palestinienne du 11 janvier dernier à Bruxelles : plainte pour violation des lois sur le négationnisme et sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie.


Pour rappel, j'ai publié au lendemain de la manifestation en question un compte-rendu sur une page du présent blog. Je soulignais que l'Union des Juifs Progressistes de Belgique ainsi que des juifs ultra-orthodoxes avaient participé à la manifestation sans rencontrer d'hostilité. Mes conclusions à ce sujet étaient proches de celles du journaliste de la Libre, qui disait n'avoir, pour sa part, pas constaté d'attitude antisémite - ce qui était d'ailleurs le ton général de la presse - . J'avais soumis ce petit compte-rendu, avant de le publier, à la critique de plusieurs personnes peu suspectes de négationnisme, l'une d'elles m'avait signalé une pancarte "Mort aux Juifs", et sur un autre blog, un participant disait avoir entendu des slogans en arabe, qu'il n'avait pas compris, mais qui comprenaient le mot "Yahoud" (juif), et "ça ne ressemblait pas à des déclarations d’amour". Ajoutons - je l'ai appris plus tard - qu'un calicot portait une tête de mort diabolique porteuse d'une kippa, coiffure traditionnelle juive, qu'une pancarte mentionnait le célèbre faux antisémite : "Protocole des Sages de Sion", et qu'une autre portait carrément "Juif = *croix gammée*". C'est trop. Sur une manifestation de 30.000 personnes (70.000 selon certains), alors que l'horreur déployée à Gaza bouleverse, on peut pourtant difficilement dire que ce soit beaucoup.

Mais chacun peut se tromper, même s'il a passé une bonne partie de sa vie à rédiger des compte-rendus, notamment de dizaines de manifestations. Bien qu'ayant parcouru deux fois la longueur du cortège, j'avais peut-être raté l'essentiel, ce "déferlement antisémite" dont parle le CCOJB. Mes amis aussi l'avaient peut-être raté, qui sait ?
J'ai donc visionné avec intérêt les photos et la vidéo mis en ligne par le CCOJB pour appuyer ses dires.

On entend longuement des slogans tels que "Nous sommes tous des Palestiniens", "Israël casse-toi, la Palestine n'est pas à toi", "Arrêtez les massacres", on entend scander "Allah Akhbar", on lit sur des pancartes : "Où sont les défenseurs des Droits de l'Homme ? ", "Israël terroriste", "A bas Bush", "60 years of terrorism", "Bush = *croix gammée*" etc... On voit l'Union des Progressistes Juifs de Belgique défiler sans encombre. Le communiqué du CCOJB s'indigne parce que certains manifestants brandissaient "des poupées empalées d'enfants ensanglantés". Ces poupées symbolisent les enfants palestiniens morts sous les bombes - c'est d'autant plus clair sur l'une des images mises en ligne par le CCOJB, car l'une de ces poupées est accompagnée d'une photo de palestiniens portant des cadavres d'enfants - . Qu'est-ce que cela a de scandaleux et/ou d'antisémite ?

Antisémitisme et antisionisme

Assimiler Livni à Hitler est bien entendu une imbécillité, peindre des svastikas sur des drapeaux israéliens aussi (ce qui fut fait asse
z souvent), mais combien de fois n'a-t-on pas peint des croix gammées sur des drapeaux états-uniens pendant la guerre du Vietnam et d'autres ? Assimiler l'ennemi aux nazis est une hyperbole condamnable mais qui a été utilisée dans d'innombrables polémiques. Faut-il rappeler le terme "nazislamisme", qu'on trouve sur des milliers de sites pro-israéliens (ainsi un groupe sioniste sur Facebook appelle à la "liquidation du nazislamisme", qu'il appelle également "tiermondo gaucho islamo fascisme") ? Et ici, ce à quoi on s'en prend, c'est au symbole d'Israël en tant qu'Etat (l'étoile était presque toujours dessinée en bleu, et le plus souvent entourée de barres, comme sur le drapeau), tout comme quand on brûlait le drapeau des USA à propos du Vietnam, de La Grenade ou de l'Irak. Le sionisme a confisqué un symbole du judaïsme, l'étoile de David, pour en faire le drapeau de sa cause, cause avec laquelle pourtant beaucoup de juifs n'étaient pas d'accord. Ce détournement permet de dire aujourd'hui, dès que quelqu'un s'en prend au drapeau israélien : "Regardez, ils s'en prennent à tous les juifs" (c'est sans doute pour cela que la Ligue des musulmans de Belgique avait demandé aux participants de ne pas brûler de drapeaux durant la manifestation, demande qui n'a pas été respectée).
Et ici, on touche à l'essentiel : le retour de la rhétorique selon laquelle s'en prendre à Israël, ce serait être antisémite. L'actuel président du CCOJB, Joel Rubinfeld, interrogé sur ses priorités après sa (très discutée) élection, répondait d'ailleurs d'une traite : "bien evidemment la lutte contre l'antisémitisme et l'antisionisme" plaçant à l'évidence les deux sur le même plan. Et le CCOJB affiche parmi ses buts le "soutien par tous les moyens appropriés à l'Etat d'Israël", considéré donc comme allant de soi pour toute organisation juive qui se respecte.
Le communiqué (tout comme la vidéo) pratique d'ailleurs un total confusionnisme, jetant pêle-mêle à la tête du lecteur "Les slogans antisémites, les drapeaux israéliens brûlés et ceux fièrement exhibés du Hamas et du Djihad islamique, tous deux inscrits sur la liste des organisations terroristes de l'Union européenne, les étendards du Hezbollah, les calicots associant Israël au nazisme, ceux comparant Auschwitz ou Dachau à Gaza, les poupées empalées d'enfants ensanglantés, les posters de Hassan Nasrallah et de l'Ayatollah Khomeiny, les mannequins à la taille ceinte d'explosifs ou l'instrumentalisation indécente d'enfants". Je n'ai vraiment aucune sympathie pour l'ayatollah Khomeiny, mais brandir son portrait n'est à ma connaissance pas contraire à une législation belge. Je ne porte aucun amour au slogan "Allah Akhbar", pas plus d'ailleurs qu'à un Te Deum à la Basilique, mais il me semble que nos textes fondamentaux garantissent la liberté de culte. On peut trouver choquante (ou non) la glorification des ceintures à explosifs ou des roquettes, mais en quoi est-ce plus choquant que cette conférence organisée à Bruxelles le 5 mars avec une représentante de Tshahal, conférence dont l'affiche représente des soldates israéliennes l'arme en bandoulière et dont le communiqué souligne l'attachement des Israéliens à cette même armée qui a bombardé Gaza ? Va-t-on attaquer les organisateurs pour apologie des crimes de guerre ?
En revanche, comme je l'ai déjà écrit, "des pancartes portées par des jeunes issus de l'immigration témoignaient de leur ignorance de ce qu'est le nazisme, telles "Gaza, pire qu'Auschwitz", "Gaza, la nouvelle Shoah", ou encore des variations sur le thème "Israël = nazi". Ces slogans sont navrants à cause de cette ignorance, mais en même temps reconnaissent que la Shoah ou Auschwitz étaient des horreurs (même si ces jeunes n'en réalisent pas l'ampleur) et condamnables. On est donc loin ici de l'effrayante allégresse avec laquelle le public de Dieudonné acceuille le négationnisme et les moqueries concernant les camps de concentration".
(Cette ignorance concernant le nazisme n'est pas du tout le monopole des jeunes issus de l'immigration. En 2003, je mentionnai Auschwitz en présence d'une charmante blondinette de 15 ans. L'adolescente ne connaissait pas ce nom bizarre. Je lui dis que c'était un camp de concentration. Elle ne savait pas ce qu'était un camp de concentration. Je lui dis que c'était là que les nazis tuaient - entre autres - les juifs. Elle ne savait pas ce qu'étaient les nazis. Elle ne savait pas qu'il était arrivé quelque chose aux juifs dans les années '30 - '40. Elle est "belge de souche". Elle a de bons points à l'école).


Varsovie 1943

Une pancarte comme "No new holocaust" me paraît, certes injustifiée parce qu'elle ignore les spécificités du nazisme et compare de l'incomparable, mais elle reconnaît (même en la sous-estimant) la réalité de l'holocauste nazi et le condamne. De même, les pancartes "1943 : ghetto de Varsovie - 2009 : Gaza" impliquent un hommage aux combattants juifs polonais. Quoi que l'on pense par ailleurs de la comparaison, ce n'est pas de l'antisémitisme ou du négationnisme.

A propos de confusionnisme, l'une des photos "accusatrices" du dossier mis en ligne par le CCOJB montre un jeune qui porte une cagoule. Vu l'usage que la police fait des photos de presse, vu le fait que des photographes de la police peuvent fort bien opérer pendant les manifestations, on peut comprendre que certains choisissent de cacher leurs traits - sans compter que cela fait bien devant les copains - . On en pense ce qu'on veut, mais en quoi cela témoigne-t-il d'antisémitisme ou de négationnisme ? "A mort Israel" est un slogan absurde et inadmissible, mais qui s'en prend à un Etat, qui a hélas donné beaucoup de raisons sanglantes de ne pas l'aimer.
Une évidence s'impose devant les images : c'est que les dérapages - ceux qui méritent vraiment l'étiquette "antisémitisme" - sont quelques-uns, et surtout sont individuels : pas de tract, pas d'affiche imprimée, pas de mot d'ordre scandés dans des sonos, repris par des groupes ou des mouvements ; le plus souvent des griffonnages au marqueur. Compte tenu du contexte, compte tenu du cadeau que la politique israélienne représente pour les antisémites, compte tenu des évaluations qui vont de 30.000 à 70.000 manifestants, on pouvait craindre bien pire, et parler de "déferlement antisémite" me paraît banalisateur et irresponsable. Faut-il rappeler aux dirigeants du CCOJB à quoi ont ressemblé des déferlements antisémites ?

C'est d'ailleurs ce manque de matière première qui oblige le CCOJB à pratiquer l'amalgame, mettant sur le même pied que l'antisémitisme la présence d'enfants ou les drapeaux de ce Hamas dans les bras duquel Israël a jeté les Palestiniens ( Jean François-Poncet, ex-ministre français des Affaires Etrangères, aujourd'hui vice-président UMP de la commission des affaires étrangères du Sénat, a rencontré le responsable politique du Hamas K. Mechaal. Il estime que le Hamas est désormais ouvert au dialogue avec Israël et doit être considéré comme un interlocuteur à part entière. Le CCOJB ou son équivalent français vont-ils attaquer M. Poncet en justice ? ).

Pour ceux qui croient que seuls les musulmans voient, non pas une identité (qui n'existe évidemment pas) mais matière à questionnement sur les rapports entre les agissements d'Israël et la mémoire de la Shoah, on peut signaler par exemple l'attitude de l'écrivain Jean-Moïse Braitberg, qui demande à Israël de faire retirer du Mémorial de Yad Vashem le nom de son grand-père et ceux de tous les membres de sa famille morts en déportation, après les crimes commis à Gaza : "retirez le nom de mon grand-père du sanctuaire dédié à la cruauté faite aux juifs afin qu’il ne justifie plus celle faite aux Palestiniens." Sa lettre est parue dans Le Monde du 28 janvier.

L'Arroseur Arrosable

Le CCOJB accuse les organisateurs de complicité avec des actes d'antisémitisme et de négationnisme commis par quelques personnes, parce qu'ils sont organisateurs. On peut très facilement retourner contre le CCOJB sa propre argumentation. Que lit-on sous sa vidéo, sur Youtube ?
"Une honte, pure honte que Thielemans le "DHIMMY" (NB : non musulman qui accepte de vivre sous la charia) autorise cela à Bxls ! envoyez donc tout ce peuple vers Gaza, sans billet de retour !" ("Schande, pure schande dat "DHIMMY" Thielemans zo iets wel toelaat in Bxl! Stuur da volk toch allemaal richting gaza...zónder retour! ") , "L'Europe s'est debarrassee de 6 millions de Juifs intellectuels, la creme de l'elite, pour les remplacer par 20 millions d'arabes fanatiques, sanguinaires, prehistoriques, illettres, qui detruisent les communautes qui les acceuillent, au lieu de s'y integrer. Bientot la Belgique deviendra la Belarabie. Flamands, Wallons, ne vous disputez plus, bientot vous serez tous arabises.", "une Belgique musulman ? JAMAIS !", "bientôt la Belgique sera un satelite de l'iran ", "De nos jours, quand les musulmans manifestent et hurlent des slogans appelant à la haine, à la xénophobie, à l'antisémitisme et à la destruction de notre tissu social, on appelle ça "manifestation pacifique" dans nos médias". "oui, c'est ça qui se passe!!, apuyé par les politiciens francophones du pays. / Le 7 juin, vous avez le choix pour faire vos votes! " "Y en a marre de ces extremistes de tout poil qui ne respectent ni les gens qui les tolèrent, ni leur pays d'accueil. Au lieu de manifester pour avoir la paix, ils manifestent pour avoir la guerre! Bande de primates, cautionnés par des poli"toquards" lèche-bottes", "Et ça se passe en plein coeur de l'Europe! / On aurait pu croire que c'était en Iran! /A quand les expulsions pour les islamo fascistes? ", "les drapeaux du hamas et du hezbollah flottent sur la belgique ce qui prouvent l islamisation générale de la belgique . meme les politiques sont : "dhimmis" ! "
Ces phrases ne fleurent-elles pas bon l'extrême-droite et la xénophobie ? Le CCOJB s'indigne de ce qu'on assimile la politique israélienne au nazisme, mais l'un de ses supporters traite les manifestants de "nouveau Sturmabteilung" - en quoi est-ce plus acceptable - ? A quand, dès lors, une action en justice contre le CCOJB pour incitation à la haine et à la xénophobie ? Bien sûr, ce serait absurde, mais c'est ce qu'il fait en prétendant s'en prendre aux organisateurs de la manifestation, avec une différence, c'est que ici, ce n'est pas un 3.000ème, mais une bonne moitié des commentaires qui est de cette eau !

Insignifiant ?

Ce qui est excessif est insignifiant : le CCOJB s'en prend à tous les partis et organisations ayant pris part à la manifestation (il épargne néanmoins le MR dont certains élus ont pourtant manifesté), et les juge coupables de complicité avec le négationnisme et l'antisémitisme. On pourrait, sans y prêter trop d'attention, laisser ce Comité à sa manoeuvre plutôt ridicule. Mais ce serait négliger un aspect consternant : c'est que le CCOJB se bat fiévreusement pour entretenir plus que jamais la confusion entre "être opposé à la politique israélienne" et "être antisémite". Ce faisant, il banalise l'antisémitisme, amenant à confondre l'opposition à la politique d'un Etat avec une doctrine raciste dont l'application fut particulièrement hideuse. Il tente d'amalgamer, une fois de plus, la lutte contre la politique d'Israël et l'antisémitisme. Le fond de sa manoeuvre est de vouloir faire interdire toute manifestation anti-israélienne, si c'est faisable, mais sinon, la rendre stigmatisée dès le départ, imbuvable, inadmissible pour l'opinion, et ainsi discréditer toute forme d'opposition à la politique d'Israël, tels les appels contre les accords UE-Israël, ou pour le boycott des produits israéliens.

Pour ceux qui me soupçonneraient de faire partie de ce courant (suicidaire) qui rêve d'une alliance entre la gauche radicale et les islamistes, je répète ce que j'ai écrit ailleurs du Hamas, que c'est une organisation dont les fondements sont bellicistes, réactionnaires, obscurantistes et antisémites, même si sa pratique politique est aujourd'hui fort éloignée de sa consternante charte de fondation. Je renvoie également à tout le mal que j'écris du port du voile islamique à l'école (et ailleurs) - ce qui ne m'empêche pas de vivre heureux depuis 24 ans dans un quartier à dominante musulmane -. Néanmoins, je ne suis plus sûr, à force de voir les communautaristes des deux camps jouer avec les mêmes allumettes, que mon nom juif ne me vaudra pas, d'ici dix ans, des graffiti sur ma porte...

On trouvera de nombreuses autres réflexions concernant cette problématique sur une page du blog d'Henri Goldman, "L'Etoile Juive et la Croix Gammée".

Pas gaie la pagaille

Tout ceci ne s'écrit pas de gaieté de coeur. Il faut certes tenir compte de la réflexion d'Irène Kaufer : "Je crains que ce ne soient pas quelques dérapages mais une forme de « négationnisme soft » qui s’installe insidieusement. Des termes comme « massacres » ou « assassins » ne suffisent plus, il faut une inflation de mots, de ceux qui font mal mais qui surtout, perdent leur sens." Il faut rappeler les lignes écrites en 1982 par Marcel Liebmann (plus longuement reprises ici ) : "il y a des antisionistes avec lesquels nous ne saurions faire bon ménage. Tous ceux, d’abord, qui camouflent leur haine des Juifs en une haine d’Israël. Ils sont moins nombreux qu’on veut nous le faire croire, mais cela ne nous incite pas à plus de complaisance à leur égard. En fait nous n’avons rien en commun avec ces gens-là (ne fût-ce que parce que nous n’éprouvons aucune haine envers le peuple israélien)". J'approuve Henri Goldman quand il souligne : "Ce serait une catastrophe si l’impression prévalait que chacun a choisi son camp en fonction de son identité ethnique ou religieuse : les Arabo-musulmans obligatoirement d’un côté, les Juifs obligatoirement de l’autre, tandis que ceux qui ne sont ni juifs ni musulmans resteraient au balcon en distribuant souverainement les bons et les mauvais points aux uns et aux autres." J'exprimais d'ailleurs la même crainte le 12 janvier. Cette image-là, communautaire, religieuse, juifs contre musulmans, l'action du CCOJB la renforce. Je pense que toute présence, toute intervention qui se fera au nom de la raison, des droits humains, de la justice et du droit des peuples sera utile pour contrebalancer . Et donc, dans de mêmes circonstances, toutes choses étant égales par ailleurs, j'annoncerai à nouveau une pareille manifestation.
Or, dans son communiqué, "Le CCOJB se réserve la possibilité de déposer plainte pour ces faits contre chacun des appelants à manifester.". J'ai annoncé cette manifestation sur le présent blog. Je persiste et signe. Je signale donc aux dirigeants du CCOJB que s'ils agissent comme ils s'en "réservent la possibilité", je revendique qu'ils déposent plainte contre moi. Négationnisme, racisme, antisémitisme et xénophobie : cela surprendra les mânes de mon père, porteur de l'étoile jaune, hôte de divers camps, celles de sa mère gazée à Auschwitz, et celles de mon grand-père maternel mort dans les caves de la Gestapo.

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NB : Il est bien sûr permis de diffuser cet article, en mentionnant la source.



Mots-clef : Palestine, Israël, antisémitisme, racisme, négationnisme, manifestation, Bruxelles, CCOJB, plainte

mercredi 18 février 2009

Vidéo : Elvis Presley dans un grand moment de kitsch.


Ce n'est pas, loin de là, la prestation la plus intéressante d'Elvis, mais c'est certainement l'une des plus marrantes et des plus kitsch. "Little Egypt" - "la petite danseuse orientale" - est l'un des très nombreux tubes écrits par le duo Jerry Leiber - Mike Stoller, et fut enregistré tout d'abord en 1961 par le groupe "The Coasters", auquel on doit une kyrielle de succès "Doo-Wap" plus drôles les uns que les autres ("Yakety Yak", "Charlie Brown", "Down in Mexico"...).

Elvis reprit leur version note pour note (lui qui avait pourtant transcendé bien des morceaux de rythm 'n blues) pour les besoins du film "Roustabout" en 1964, année qui vit également Henri Salvador adapter "Little Egypt" sur l'album « Zorro est arrivé », titre qui est lui-même repris du "Along Came Joe" des mêmes Coasters. La danseuse que vous allez admirer, Wilda Taylor, mérite un petit coup de chapeau. Les paroles figurent sous la vidéo : en résumé, le narrateur décrit l'émotion qu'il a ressentie en assistant au show de la danseuse ("elle avait un rubis sur l'estomac et un diamant grand comme le Texas sur un orteil" ... "Elle avait le portrait d'un cowboy tatoué sur le dos, avec en légende : Phoenix, Arizona, 1949") mais précise qu'aujourd'hui, Little Egypt ne danse plus, car elle est bien trop occupée à tenir le ménage et à s'occuper des sept enfants que le héros lui a faits...

I went and bought myself a ticket and I sat down in the very first row
They pulled the curtain but then when they turned the spotlight way down low
Little Egypt came out a-struttin' wearin' nothin' but a button and a bow
Singing, ying-ying, ying-ying, ying-ying, ying-ying

She had a ruby on her tummy and a diamond big as Texas on her toe
She let her hair down and she did the hoochie-coochie real slow
When she did her special number on the zebra skin I thought she'd stop the show
Singing, ying-ying, ying-ying, ying-ying, ying-ying

She did her triple somersault and when she hit the ground
She winked at the audience and then she turned around
She had a picture of a cowboy tatooed on her spine
Said, Phoenix, Arizona 1949

Yeh, let me tell you people Little Egypt doesn't dance there anymore
She's too busy mopping and a-takin' care of shopping at the store
'Cos we've got seven kids and all day long they crawl around the floor
Singing ying-ying, ying-ying, ying-ying, ying-ying

Mots-clef : Elvis Presley, Little Egypt, Henri Salvador, The Coasters, Roustabout

mardi 17 février 2009

A Votre Bon Coeur...


Or donc, un jour où l'autre, vous recevrez comme moi un mail vous apprenant ce que vous devez faire si une attaque cardiaque vous assaille alors que vous êtes seul. Tousser violemment permettrait d'effectuer une sorte d'auto massage cardiaque et d'éviter ainsi de perdre connaissance en attendant l'arrivée des secours.

Cela semble d'abord vraisemblable, entre autres dans la mesure où un professeur d'université canadien est mentionné comme caution scientifique. Heureux bénéficiaire récent de quatre pontages cardio-vasculaires, je me sentais fort intéressé par les multiples détails fournis quant à l'art de se sauver en toussant. Hélas, la désillusion ne s'est pas fait attendre. D'une part, l'Université de Laval a démenti que cette information provenait d'un membre de son corps académique. D'autre part et surtout, l'American Heart Association explique longuement pourquoi elle n'enseigne pas cette technique dans ses cours de secourisme : elle n'a une réelle utilité que, parfois, en milieu hospitalier. Elle permet éventuellement, en cas d'attaque, de conserver conscience pendant quelques secondes, pas plus. La meilleure chose à faire si l'on ressent une forte douleur dans la poitrine, irradiant dans le bras gauche et la mâchoire, est de former un N° d'urgence sur son téléphone mobile ; si l'on est seul en voiture, s'arrêter et faire signe à un autre automobiliste.
(image © Yale-New Haven Hospital ).
Tant qu'on y est, ne diffusez pas le message (je viens de le recevoir aussi) selon lequel le miel est souverain contre à peu près tout et notamment le mauvais cholestérol. C'est au contraire, pour combattre ce dernier, un aliment à éviter, voir par exemple ici et ici .


A votre santé ...

Mots-clef : Coeur, attaque, massage, urgence, miel, cholestérol

La Beauté dans le Métro


Ce texte circule sur l'Internet et ... et, surprise, ce n'est pas un "hoax", un canular, c'est une histoire vraie. Vous pouvez en trouver confirmation sur le site du Washington Post, avec de nombreux détails, et une vidéo. Qu'auriez-vous fait - qu'aurais-je fait - si vous étiez passé dans ce couloir ce matin-là ?


Un musicien de rue était debout dans l'entrée de la station L'Enfant Plaza du métro de Washington DC.
Il a commencé à jouer du violon.
C'était un matin froid, en janvier dernier.
Il a joué durant quarante-cinq minutes.
Pour commencer, la chaconne de la 2e partita de Bach, puis l'Ave Maria de Schubert, du Manuel Ponce, du Massenet et de nouveau Bach.
A cette heure de pointe, vers 8h du matin, quelque mille personnes ont traversé ce couloir, pour la plupart en route vers leur boulot.

Après trois minutes, un homme d'âge mûr a remarqué qu'un musicien jouait.
Il a ralenti son pas, s'est arrêté quelques secondes puis a démarré en accélérant.
Une minute plus tard, le violoniste a reçu son premier dollar : en continuant droit devant, une femme lui a jeté l'argent dans son petit pot.
Quelques minutes plus tard, un quidam s'est appuyé sur le mur d'en face pour l'écouter mais il a regardé sa montre et a recommencé à marcher..
Il était clairement en retard.

Celui qui a marqué le plus d'attention fut un petit garçon qui devait avoir trois ans.
Sa mère l'a tiré, pressée mais l'enfant s'est arrêté pour regarder le violoniste.
Finalement sa mère l'a secoué et agrippé brutalement afin que l'enfant reprenne le pas.
Toutefois, en marchant, il a gardé sa tête tournée vers le musicien.
Cette scène s'est répétée plusieurs fois avec d'autres enfants.
Et les parents, sans exception, les ont forcés à bouger.

Durant les trois quarts d'heure de jeu du musicien, seules sept personnes se sont vraiment arrêtées pour l'écouter un temps.
Une vingtaine environ lui ont donné de l'argent tout en en continuant leur marche.
Il a récolté 32 dollars.
Quand il a arrêté de jouer, personne ne l'a remarqué.
Personne n'a applaudi.
Une seule personne l'a reconnu, sur plus de mille personnes.

A part elle, personne ne sest douté que ce violoniste était Joshua Bell, un des meilleurs musiciens sur terre. Il a joué dans ce hall les partitions les plus difficiles jamais écrites, avec un Stradivarius de 1713 valant 3,5 millions de dollars ! Deux jours avant qu'il joue dans le métro, sa prestation à Boston était « sold out » avec des prix avoisinant les 100 dollars la place.

C'est une histoire vraie.
Joshua Bell jouant incognito dans une station de métro a été organisé par le « Washington Post » dans le cadre d'une enquête sur la perception, les goûts et les priorités d'action des gens.

Les questions étaient : "Dans un environnement commun, à une heure inappropriée, pouvons-nous percevoir la beauté ? Nous arrêtons-nous pour l'apprécier ?
Pouvons-nous reconnaître le talent dans un contexte inattendu ? "

Une des possibles conclusions de cette expérience pourrait être : si nous n'avons pas le temps pour nous arrêter et écouter l'un des meilleurs musiciens au monde jouant quelques-unes des plus belles partitions jamais composées, à côté de combien d'autres choses exceptionnelles passons-nous ?


Mots-clef : Musique, violon, métro, Joshua Bell, Washington Post

Nos Amours sur Facebook ?


Facebook ? La meilleure ou la pire des choses ? Les avis se heurtent parfois de front, dans le micro-sondage organisé par le journal "Le Monde" : depuis la personne qui a quitté le réseau social après trois semaines en haussant les épaules jusqu'à celle qui y passe ... neuf heures par jour.
Si vous l'ignorez encore (comment faites-vous ? ), Facebook est une communauté au sein de laquelle on prend contact avec des "amis" (le terme est galvaudé) avec qui on peut échanger des informations et documents de tout ordre par des moyens variés. Evidemment, ce contact direct ET indirect entre un grand nombre de gens pose parfois des problèmes. Exemple paraît-il classique : l'un ou l'autre petit malin se rend à une party, souffre de gueule de bois le lendemain et s'absente du bureau en prétextant une maladie, un de ses potes publie sur Facebook une photo de l'employé pas modèle ivre mort à la soirée, et le patron de la firme, "ami Facebook" du pote en question, tombe sur la photo et licencie le carottier.
En règle générale, si vous adhérez à Facebook, mieux vaut réfléchir avant de publier telle ou telle information dans votre "profil". Les conséquences peuvent aller du gênant au tragique : il y a peu, un Britannique qui vivait mal sa séparation d'avec son épouse a constaté que celle-ci avait modifié son statut Facebook, de "mariée" à "célibataire". Pris de rage, l'homme s'est rendu au nouveau domicile de son épouse et l'a tuée.
Evidemment, votre discrétion frustrera peut-être d'aucuns. Ainsi, j'ai dû répondre ce qui suit à une copine dévorée de curiosité, qui m'a reproché de ne pas avoir rempli, dans mon "profil Facebook", la ligne "Situation amoureuse" :

Concernant mes amours, j'entretiens le mystère,
Comme d'autres entretiennent à grand bruit leur maîtresse.
"Est-il marié ? En couple ? Ou bien célibataire ?"
S'interrogent les foules en leurs pensées épaisses.

Vous pouvez parcourir les feuilles à ragots,
Paris-Match, Points de Vue ou bien France-Dimanche,
Et tous ces gras torchons dévorés des gogos :
A propos de mon nom leurs pages restent blanches.

"Est-il homo ? Zoo ? Pédo ? Ou ... nécrophile ?"
S'interrogent les foules en leurs pensées futiles,
"Ou bien simple hétéro de l'espèce vulgaire ?"

Tandis que vous trottez, dans votre mini-jupe,
Posez-vous ces questions, jolie : ça vous occupe.
Concernant mes amours, je maintiens le mystère.

Mots-clef : Facebook, vie privée, intimité, sonnet

Elections israéliennes : un rabbin s'interroge.


Ce n'est pas que je partage toute l'opinion exprimée - loin de là - mais la tribune publiée par la Libre ce 7 février (à l'orée des élections israéliennes) et signée par un rabbin, "Haine à l’Ouest et fanatisme à l’Est !", ne manque pas d'intérêt . Le thème : "Le soutien à la politique d’Israël reste-t-il possible dans le cadre d’une réflexion religieuse juive honnête ?"


On y lit par exemple "Certes, ce n’est pas la première fois que certains abus et dérives de la politique israélienne nous interpellent. Mais par le passé, nous voulions croire que ces incidents étaient le résultat d’une situation de guerre complexe, d’un ennemi - le Hamas - particulièrement vil et sans scrupule, de peurs, d’erreurs. Bref, des dérapages que nous pouvions tolérer car, justement, ce n’étaient que des dérapages ! Ce n’est peut-être plus le cas aujourd’hui. La réalité de 2009 est malheureusement celle d’une idéologie bien structurée, mélange de nationalisme et de pseudoreligion, portant en elle la haine et le rejet, en d’autres termes, le fanatisme. Ose-t-on imaginer un soutien juif à cet extrémisme-là ? " .

Depuis, les Israéliens ont voté, et le résultat n'a rien qui puisse rassurer l'auteur... Celui-ci, David Meyer a exercé son ministère à Bruxelles et Brighton, est auteur / coauteur de "Les versets douloureux , Bible, Evangile et Coran, entre conflit et dialogue", et "La vie hors la loi : ouvertures juives d'hier et d'aujourd'hui", et est membre du Groupe de Recherches Islamo-Chrétien.

L'article se trouve ici .

Mots-clef : Israël, Palestine, rabbin, judaïsme, élections

lundi 16 février 2009

Benoît XVI ou TN Games ?


On m'a contacté pour rejoindre un groupe proposant la candidature du pape Benoît XVI pour le Prix Nobel de la connerie (après sa brillante réhabilitation de religieux intégristes dont l'un s'avère un négationniste obstiné). L'idée est tentante. Mais, dans un style différent, la société TN Games mérite elle aussi d'être nominée.

Cette firme vous propose d'endosser le coquet survêtement qui figure sur la photo - il existe également en gris et en noir - la prochaine fois que vous voudrez utiliser votre ordinateur pour jouer. Entendons-nous : pas s'il s'agit de faire une réussite ou un Tetris : la 3rd Space Gaming Vest est destinée à épicer vos FPS. FPS, vous ne l'ignorez certainement pas, signifie "First Person Shooter", ces jeux où l'on se retrouve dans la peau d'un tireur qui flingue des brouettées d'adversaires, jusqu'à ce qu'un plus fort que lui le plonge dans le néant du Game Over. Elle convient également pour d'autres jeux de combat, ceux où l'on échange des coups de poing et de pied.
Mais à quoi sert-elle ? Mode d'emploi :
1. vous l'endossez ;
2. vous la reliez par USB à votre ordinateur ou console de jeux ;
3. vous jouez ;

... et alors ???
4. Et alors quand l'un de vos ennemis virtuels porte un coup au but, la veste, pourvue d'un système de compression d'air, vous en fait sentir l'impact : elle est pourvue de huit points susceptibles de vous infliger une légère secousse si vous encaissez sur écran une balle ou un uppercut. C'est tout ? Oui, c'est tout. Ce petit chef d'oeuvre d'esthétique coûte 139 $, et vous laisse dévoré par une question : oui mais, si l'uppercut ou la balle m'ont frappé à la tête ? Dois-je rapidement plonger celle-ci dans ma veste ? Non, TN Games ne recule devant rien pour satisfaire vos désirs les plus fous, elle prépare déjà le complément indispensable de la veste : le casque HTX, qui vous permettra - je cite - "de sentir l'impact d'être abattu d'une balle dans la tête", joie dont, comme vous, je rêvais depuis longtemps.

Inutile de préciser que votre conjointe ou conjoint sera séduit par votre air irrésistible quand vous ressemblerez, vesté et casqué, au bonhomme Michelin déguisé en sapeur-pompier. Sa joie sera encore plus grande quand vous laisserez ce ravissant chef d'oeuvre de haute couture et de modisme traîner dans le salon.

Un chroniqueur états-unien a testé la veste : selon lui, elle fonctionne mal, est difficile à enfiler, encore plus difficile à retirer, et donne l'air d'un parfait abruti. De plus, elle n'est encore compatible qu'avec une vingtaine de jeux.

L'actualité nous prouve donc qu'on peut aussi bien faire des âneries à l'aide de religion qu'avec celle des nouvelles technologies - ce qu'on savait d'ailleurs déjà -.

Mots-clef : Technologies, Pape, Benoît XVI, jeux PC, jeux vidéo, veste pour jeux

Contes au Café


Depuis peu, j'ai un point commun avec Sarkozy. Non, pas Carla. Enfin, pas seulement. Sarko et moi, on est tous les deux présidents. Mais pas de la même chose : lui c'est d'une République, moi c'est d'une ASBL (pour nos frères inférieurs non-Belges : Association Sans But Lucratif, ce qu'on appelle en France Association loi de 1901), l'ASBL Café de la Rue. Pour tout savoir, ou en tout cas l'essentiel, sur ce lieu bruxellois de rêve, voyez ici . L'ennui, c'est qu'à force de traîner au Café, il m'y est arrivé une mauvaise blague.

Le 31 décembre, j'y ai rencontré une femme (là je vous sens intéressés) qui m'a fait ... Non : qui m'a fait boire. Et qui a profité de mon état pour me glisser qu'elle organisait un spectacle de contes au dit Café, les 27 et 28 février. Et que les organisateurs laissaient une place aux non-membres de leur troupe, les Conteurs en Balade . Et que donc j'étais bienvenu sur la scène (qui brille par son absence) le samedi 28. Et vu mon état éthylique, j'ai accepté, oubliant un détail : je ne raconte pas de contes. Mais ça ne fait rien, on inventera quelque chose. Vous êtes bienvenus, donc, s'il reste de la place, au
Café de La Rue ,
30 rue de la Colonne, 1080 Bruxelles
0473/505.875 : Réservations VIVEMENT souhaitées

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jeudi 5 février 2009

Nous sommes sans doute des millions ...


J'ai trouvé, sous l'article "Gaza - Manifestation à Bruxelles", le commentaire suivant, envoyé par Jean Bricmont, que j'en remercie. Bien que n'en partageant pas toutes les vues, je l'ai trouvé suffisamment intéressant, suffisamment susceptible de relancer d'utiles réflexions, pour le republier ci-dessous, sous forme d'article.


Nous sommes sans doute des millions à assister, rageurs et impuissants, à la destruction de Gaza, tout en subissant le discours médiatique sur la « réponse au terrorisme » et le « droit d’Israël à se défendre ». Mais, comme le fait remarquer le journaliste anglais Robert Fisk, les gens qui tirent des roquettes sur le sud d’Israël ne sont souvent que les descendants des habitants de cette région, qui en ont été chassés en 1948 [1] . Tant que cette réalité fondamentale ne sera pas reconnue et cette injustice réparée, rien de sérieux n’aura été fait ou dit en faveur de la paix.

Mais que faire ? Organiser de nouveaux dialogues entre juifs progressistes et musulmans modérés ? Attendre une nouvelle initiative de paix ? Ou de nouvelles déclarations des ministres de l’Union Européenne ?

Est-ce que toutes ces comédies n’ont pas assez duré ? Ceux qui veulent faire quelque chose s’en tiennent trop souvent à des exigences irréalistes : demander la création d’un tribunal international pour juger les criminels de guerre israéliens ou demander une intervention efficace de l’ONU ou de l’Union Européenne. Tout le monde sait très bien que rien de cela ne se fera, parce que les tribunaux internationaux, par exemple, ne font que refléter les rapports de force dans le monde et ceux-ci sont pour le moment en faveur d’Israël. Ce sont ces rapports de force qu’il faut changer et cela ne peut se faire que petit à petit. C’est vrai qu’il y a « urgence » pour Gaza, mais il est tout aussi vrai que rien ne peut être fait aujourd’hui, précisément parce que le patient travail qui aurait dû être fait dans le passé n’a pas été accompli.

Dans les propositions faites ci-dessous, deux se situent sur le plan idéologique, et une sur le plan pratique.
1. Se défaire de l’illusion selon laquelle Israël est « utile »

Beaucoup de gens, surtout à gauche, continuent à penser qu’Israël n’est qu’un pion dans une stratégie états-unienne, capitaliste ou impérialiste de contrôle du Moyen-Orient. Rien n’est plus faux. Israël ne sert pratiquement à personne, sauf à ses propres fantasmes de domination. Il n’y a pas de pétrole en Israël ou au Liban. Les guerres dites pour le pétrole, de 1991 et de 2003, ont été menées par les États-Unis sans aucune aide israélienne et, en 1991, avec la demande explicite des États-Unis de non-intervention israélienne, parce que celle-ci aurait fait s’effondrer leur coalition arabe. Comme « allié stratégique », on peut trouver mieux. Il n’y a aucun doute que les pétro-monarchies pro-occidentales et les régimes arabes « modérés » sont catastrophés de voir Israël occuper sans arrêt les terres palestiniennes et radicaliser ainsi une bonne partie de leurs populations. C’est Israël qui, par ses politiques absurdes, a provoqué la création à la fois du Hezbollah et du Hamas et qui est indirectement responsable d’une bonne partie de la croissance de « l’islamisme radical ».

Il faut aussi comprendre que les capitalistes, pris dans leur ensemble (il n’y a pas que les marchands d’armes…), gagnent beaucoup plus à la paix qu’à la guerre : il n’y a qu’à voir les fortunes réalisées par les capitalistes occidentaux en Chine et au Vietnam depuis que la paix a été conclue avec ces pays, par opposition à l’époque de Mao et de la guerre du Vietnam. Les capitalistes se fichent pas mal de savoir de quel « peuple » Jérusalem est la « capitale éternelle » et, si la paix y régnait, ils se précipiteraient en Cisjordanie et à Gaza pour y exploiter une main d’œuvre qualifiée et n’ayant pas beaucoup d’autres moyens de vivre.

Finalement, n’importe quel États-unien préoccupé de l’influence de son pays dans le monde voit bien que s’aliéner un milliard de musulmans pour satisfaire tous les caprices d’Israël n’est pas exactement un investissement rationnel dans l’avenir [2].

Ce sont souvent ceux qui se considèrent comme marxistes qui ne veulent voir dans le soutien à Israël qu’une simple émanation de phénomènes généraux comme le capitalisme ou l’impérialisme (Marx lui-même était beaucoup plus nuancé sur la question du réductionnisme économique). Mais ce n’est pas rendre service au peuple palestinien que de maintenir de telles positions — en effet, le système capitaliste, qu’on l’aime ou non, est un système bien trop robuste pour dépendre de façon significative de l’occupation de la Cisjordanie ; ce système se porte d’ailleurs comme un charme en Afrique du Sud depuis le démantèlement de l’apartheid.
2. Libérer la parole non-juive sur la Palestine

Si le soutien à Israël ne s’explique pas principalement par des intérêts économiques ou stratégiques, pourquoi ce silence et cette complicité ? On pourrait invoquer l’indifférence à l’égard de ce qui se passe « loin de chez nous ». C’est peut-être vrai pour la majorité de la population, mais pas pour le milieu intellectuel dominant, lequel déborde de critiques envers le Venezuela, Cuba, le Soudan, l’Iran, le Hezbollah, le Hamas, la Syrie, l’Islam, la Serbie, la Russie ou la Chine. Et, sur tous ces sujets, même les plus grossières exagérations sont courantes et acceptées.

Une autre explication de la mansuétude envers Israël est la « culpabilité » occidentale par rapport aux persécutions antisémites du passé, en particulier les horreurs de la Deuxième Guerre mondiale. À ce sujet, on remarque parfois que les Palestiniens ne sont en rien coupables de ces horreurs et ne doivent pas payer pour les crimes des autres. C’est vrai, mais ce qui n’est presque jamais dit et qui est pourtant évident, c’est que l’immense majorité des Français, des Allemands ou des prêtres catholiques aujourd’hui sont tout aussi innocents que les Palestiniens de ce qui s’est passé pendant la guerre, pour la simple raison qu’ils sont nés après la guerre ou étaient enfants pendant celle-ci. La notion de culpabilité collective était déjà très discutable en 1945, mais l’idée de transmettre cette culpabilité aux descendants est une idée quasiment religieuse.

Ce qui est d’ailleurs curieux, c’est qu’à l’époque où l’Église catholique abandonnait l’idée de peuple déicide, celle de responsabilité quasi-universelle face au judéocide commençait à s’imposer. Mais cette « culpabilité » justifie une énorme hypocrisie. Nous sommes tous supposés nous sentir coupables de crimes du passé, auxquels, par définition, nous ne pouvons rien faire, mais presque pas coupables des crimes de nos alliés états-unien et israélien qui se déroulent aujourd’hui, devant nos yeux, et dont on pourrait au minimum clairement se désolidariser. Et, bien qu’il est sans arrêt affirmé que le souvenir de l’holocauste n’est pas supposé justifier la politique israélienne, il est évident que c’est au sein des populations les plus culpabilisées par ce souvenir (les Allemands, les Français et les catholiques) que le silence est le plus fort (par opposition aux noirs, aux arabes et aux Britanniques).

Ce qui précède est une banalité, mais une banalité qui n’est pas facile à dire — pourtant, il faut la répéter jusqu’à ce qu’elle soit reconnue pour telle si l’on veut que les non-juifs arrivent à s’exprimer librement sur la Palestine —. Peut-être que le meilleur slogan à mettre en avant lors des manifestations sur la Palestine ne serait pas, « Nous sommes tous des Palestiniens » — slogan bien intentionné mais qui ne reflète nullement la réalité de notre situation et la leur — mais plutôt : « Nous ne sommes pas coupables de l’holocauste ». En cela, nous partageons effectivement quelque chose avec les Palestiniens.

Mais la principale raison du silence ne peut être uniquement la culpabilité, précisément parce que celle-ci est très artificielle, mais bien la peur. Peur de la médisance, de la diffamation, ou des procès, dont le seul acte d’accusation est toujours le même, l’antisémitisme. Si l’on n’en est pas convaincu, prenons un journaliste, un homme politique ou un éditeur, enfermons-nous avec lui dans une pièce où il peut vérifier qu’il n’y a ni caméra cachée ni micro, et demandons-lui s’il dit publiquement tout ce qu’il pense vraiment d’Israël et, s’il ne le dit pas (à mon avis, la réponse la plus probable), pourquoi se tait-il ? À-t-il peur de nuire aux intérêts des capitalistes en Cisjordanie ? D’affaiblir l’impérialisme états-unien ? Ou encore, de risquer d’affecter les cours ou les flux du pétrole ? Ou bien a-t-il au contraire peur des organisations sionistes, de leurs poursuites et de leurs calomnies ?

Il me semble évident, après des dizaines de discussions avec des personnes d’origine non-juive, que la bonne réponse est la dernière. On tait ce qu’on pense de l’État qui se dit « État juif » de peur d’être traité d’antisémite. Ce sentiment est encore renforcé par le fait que la plupart des gens qui sont choqués par la politique israélienne sont réellement horrifiés par ce qui s’est passé pendant la Deuxième Guerre mondiale et sont réellement hostiles à l’antisémitisme. À cause de ce qui précède, presque tout le monde a intériorisé l’idée que le discours sur Israël, et, plus encore, sur les organisations sionistes, constitue un tabou à ne pas enfreindre, et c’est cela qui entretient un climat de peur généralisé. On peut d’ailleurs remarquer que ce sont en général ceux qui donnent, en privé, des « conseils d’amis » (fais attention, pas d’amalgame, pas d’exagération, islamisme…, extrême-droite …, Dieudonné, etc.) qui sont les premiers à déclarer en public qu’ils n’ont peur de rien et que les pressions n’existent pas. Évidemment, parce que reconnaître la peur serait le meilleur moyen pour commencer à s’en libérer.

Par conséquent, la première chose à faire, c’est combattre cette peur. Ceci n’est pas toujours compris par les militants de la cause palestinienne parce que, par leur action même, ils démontrent qu’eux n’ont pas peur. Ce sont souvent des gens très dévoués et qui ne briguent aucune position de pouvoir dans la société. Cependant, ils devraient s’imaginer à la place de ceux qui occupent ou espèrent occuper de telles positions (et qui, par conséquent, sont en mesure d’affecter les décisions politiques) et qui sont, précisément à cause de leurs ambitions, vulnérables à l’intimidation. La seule façon de procéder est de créer un climat de « désintimidation », en soutenant chaque homme politique, chaque journaliste, chaque écrivain, qui ose écrire une phrase, un mot, une virgule, critiquant Israël. Il faut le faire tous azimuts, sans se limiter à soutenir des personnes qui ont des positions « correctes » sur d’autres sujets (selon l’axe gauche-droite), ou qui ont des positions « parfaites » sur le conflit.

Finalement, plutôt que de parler de « soutien » à la cause palestinienne, comme le font beaucoup d’organisations, soutien qui n’obtiendra jamais, aussi regrettable que ce soit, l’adhésion de la majorité de la population de nos pays, on devrait présenter la question palestinienne sous l’angle des intérêts bien compris de la France et de l’Europe. En effet, nous n’avons aucune raison de nous aliéner le monde arabo-musulman ou de voir augmenter la haine de l’Occident, et il est catastrophique pour nous de créer un conflit de plus avec la partie de la population « issue de l’immigration » qui, souvent, sympathise avec les Palestiniens. Remarquons à ce sujet que ce n’est pas en prônant un indéfectible soutien à Israël que les sionistes ont réussi, mais bien par un lent travail d’identification entre la défense de l’Occident (en matière d’approvisionnement pétrolier ou de lutte contre l’islamisme) et celle d’Israël (on peut d’ailleurs regretter que beaucoup de discours de gauche sur l’utilité d’Israël pour le contrôle du pétrole, ainsi que de discours laïcs sur l’Islam, renforcent cette identification).
3. Pour ce qui est des initiatives pratiques, elles se résument en trois lettres : BDS (Boycott, désinvestissements, sanctions)

L’exigence de sanctions est reprise par la plupart des organisations pro-palestiniennes [3], mais comme ce genre de mesures est la prérogative des États, tout le monde sait que cela ne se fera pas à court terme. Les mesures de désinvestissements sont soit prises par des organisations qui ont de l’argent à investir (syndicats, Églises) et c’est une décision qui relève alors de leurs membres, soit d’entreprises qui collaborent étroitement avec Israël et qui ne changeront de politique que suite à des actions de boycott, ce qui nous ramène à la discussion de cette forme d’action, qui vise non seulement les produits israéliens mais aussi les institutions culturelles et académiques de cet État [4].

Notons que cette tactique a été utilisée contre l’Afrique du Sud et que les deux situations sont très semblables : le régime d’apartheid et Israël sont (ou étaient) des « legs » du colonialisme européen, qui ont du mal à accepter (contrairement à la majorité des opinions publiques ici) le fait que cette forme de domination est révolue. Les idéologies racistes qui sous-tendent les deux projets les rendent insupportables aux yeux de la majorité de l’humanité et créent des haines et des conflits sans fin. On pourrait même dire qu’Israël n’est rien qu’une autre Afrique du Sud, plus l’instrumentalisation de l’holocauste.

Dans le cas du boycott culturel et académique, on objecte parfois qu’il y a des victimes innocentes, bien intentionnées, voulant la paix, etc., argument déjà utilisé d’ailleurs à l’époque de l’Afrique du Sud (et le même argument pourrait être soulevé à propos des travailleurs des entreprises victimes du boycott économique). Mais Israël lui-même reconnaît qu’il y a des victimes innocentes à Gaza, ce qui ne l’empêche nullement de les tuer. Nous, nous ne proposons de tuer personne. L’action de boycott est parfaitement citoyenne et non violente ; cependant, même une telle action peut provoquer des dégâts collatéraux- les artistes et scientifiques bien intentionnés qui seraient victimes du boycott.

Ce type d‘action est comparable à l’objection de conscience à l’époque de la conscription ou à une action de désobéissance civile — Israël ne respecte aucune des résolutions de l’ONU le visant, et nos gouvernements, loin de prendre des mesures pour les faire appliquer, ne font que renforcer leurs liens avec Israël — ; nous avons le droit en tant que citoyens (dont l’opinion, bien qu’inaudible, est probablement majoritaire et le serait sûrement si un débat ouvert pouvait avoir lieu), de dire NON.

L’important dans les sanctions, particulièrement au niveau culturel, c’est précisément leur côté symbolique (et non purement économique). C’est dire à nos gouvernements : nous n’acceptons pas votre politique de collaboration et,in fine, c’est dire à Israël qu’il est ce qu’il a choisi d’être, un État hors-la-loi internationale.

Un argument fréquent contre le boycott est qu’il est rejeté par des Israéliens progressistes et un certain nombre de Palestiniens « modérés » (bien qu’il soit soutenu par la majorité de la société civile palestinienne). Mais la question n’est pas principalement de savoir ce qu’eux veulent, mais quelle politique étrangère nous voulons pour nos propres pays. Le conflit israélo-arabe dépasse de loin l’enjeu local et a atteint une signification mondiale ; de plus, il engage la question fondamentale du respect du droit international. Nous, Occidentaux, pouvons parfaitement vouloir nous joindre au reste du monde, qui rejette la barbarie israélienne, et cela est déjà une raison suffisante pour encourager le boycott.
Jean Bricmont


Mots-clef : Palestine, Gaza, Proche-Orient, manifestation, sanctions, boycott