vendredi 9 janvier 2009

La (sur)vie quotidienne à Gaza avant l'attaque


Et avant l'opération en cours, à quoi ressemblait la vie de tous les jours dans l'enclave soumise au blocus ? Une mission de médecins a rapporté, juste avant l'attaque, une réponse à cette question. Le Groupe Palestine Santé (GPS) est une association de fait de travailleurs de la santé, qui tente de venir en aide aux Palestiniens, principalement dans le domaine médical. Je connais personnellement deux de ses membres. La première mission en Palestine a eu lieu en décembre 2005. Vous pouvez en savoir plus via http://www.bicup.be/inprogress.htm , et d'autres pages si vous faites une recherche sur "Groupe Palestine Santé".
Voici un extrait du rapport publié après la dernière visite sur place, du 26 octobre 2008 au 2 novembre, de membres du groupe (j'ai ajouté les sous-titres). On y apprend entre autres que les tunnels si souvent présentés comme servant à importer des armes sont aussi une artère vitale pour qu'un peu de nourriture arrive sur place (où elle sera vendue très cher !). Voir aussi deux reportages ici et ici .

"Si notre entrée à Gaza a été plus simple que l’année dernière (cela n’a pris qu’une heure et demi), nous retrouvons le même paysage ravagé, rendu encore plus misérable par la pluie qui a transformé le no man’s land entre les parties israélienne et palestinienne en mer de boue… Nous sommes frappés par la même irréalité que l’année dernière.

Pauvreté et tunnels

L’impression de pauvreté généralisée domine et n’est pas moindre que l’an dernier. La circulation des personnes et des marchandises entre Gaza et l’extérieur est arrêtée. L’importation des matières premières, des semences, des fertilisants… et l’exportation des produits agricoles (fraises, tomates…) n’est plus permise. A ces restrictions s’ajoute la rétention par Israël des revenus fiscaux qui appartiennent à l’Autorité Palestinienne, ce qui aggrave la crise financière.

L’ouverture de centaines de tunnels ‘clandestins’ entre Raffah et l’Egypte permet de diminuer la disette imposée par le blocus, mais pas pour les plus pauvres qui ne peuvent se procurer ces denrées surtaxées par les exploitants des tunnels et par le Hamas. Creusés artisanalement à l’aide d’une simple boussole par de jeunes gens payés quelques dollars par jour pour travailler dans des conditions extrêmes: diamètre des tunnels imposant aux usagers de se déplacer à quatre pattes, manque d’oxygène, effondrement, explosion de bonbonnes de gaz…, ces tunnels permettent le passage de marchandises variées: pièces détachées pour véhicules, alimentation, vêtements, électroménager, carburant et même parfois du bétail…. Beaucoup de boutiques de Gaza sont approvisionnées de cette manière, mais la majorité de la population n’a pas les moyens d’acheter ces produits. Peu de personnes utilisent ces tunnels pour quitter Gaza, le coût d’un passage est de 2.000 dollars. Assez régulièrement, un tunnel s’effondre, ce qui a provoqué 60 morts depuis le début de l’année. Tout le monde ferme les yeux : si ces tunnels permettent la survie de la population, ils entraînent en contrepartie le développement et l’enrichissement d’une mafia, même si le Hamas tente de garder le contrôle de ce trafic en empêchant le trafic d’armes qui pourraient renforcer des groupes armés opposés et imposant des taxes sur les produits des tunnels.

Une économie morte

La majorité de la population (soit 1,1 millions de personnes) reste dépendante des rations alimentaires de l’UNRWA. Le taux de chômage varie entre 60 et 80 % selon les sources et l’inactivité des hommes est omniprésente dans la rue. Les zones industrielles sont à l’abandon. Le trafic automobile reste important et nous a paru plus dense que l’an dernier. Le Hamas gère les pénuries d’essence en distribuant des tickets permettant d’acheter quelques litres de carburant à la pompe. La ration officielle de carburant est complétée par l’essence d’Egypte passée par les tunnels.

La déréliction du tissu urbain et des services publics s’aggrave dans les quartiers populaires et dans les camps de réfugiés. Les immondices jonchent les rues, les égouts fonctionnent mal, provoquant inondations et destructions lors des violentes pluies d’orage : nous avons pu observer Gaza littéralement sous eau, les voitures quasiment immergées. Les eaux usées continuent d’être versées directement à la mer. Les coupures d’électricité sont quotidiennes. Les immeubles en construction sont à l’abandon et se dégradent, faute de matériaux de construction. Par ailleurs, on observe des ilots d’habitations privilégiés, quasi luxueux, épargnés par le marasme général.

La sécurité est revenue grâce à l’arrêt des incursions israéliennes, obtenu en contrepartie de l’arrêt du tir de Qassam’s il y a 5 mois et grâce aussi au meilleur contrôle par le Hamas des bandes armées rivales. L’impression de calme et d’absence de menace prévaut sur l’ensemble du territoire. Cependant, les tensions internes sont extrêmement graves, mais peu visibles au grand jour.

Surveillance et humiliations

Si les Israéliens ne sont plus présents dans Gaza, leur empreinte reste omniprésente. Lors de nos visites, nos accompagnateurs nous montrent régulièrement les restes du passé : « cette route était interdite aux Palestiniens, là vivait une famille palestinienne, enclavée dans une colonie, leurs déplacements étaient restreints à 2H par jour, ce qui empêchait les enfants d’aller à l’école… ». Les Israéliens ne sont plus présents matériellement ; durant notre visite il n’y avait pas d’incursion (situation qui a changé juste après notre départ de Gaza). Mais elle pèse pourtant tout autant : les Palestiniens ressentent partout les humiliations passées, ils ne peuvent entrer et sortir de Gaza sauf exceptions, l’entrée officielle des marchandises se fait au compte gouttes et est à la merci d’Israël ; des ballons israéliens surveillent le territoire de Gaza par caméra….

La sortie de Gaza a été tout aussi surréaliste que l’année passée : dédale sécuritaire bétonné, contrôlé par des caméras de surveillances, entouré de murs et de grilles, passant de sas de sécurité en sas de sécurité, ordres éructés par des hauts parleurs. Nous passons le scanner de contrôle, tout cela sans contact direct avec les militaires israéliens, que nous apercevons dans une salle vitrée en hauteur : un homme face à un écran d’ordinateur nous donne des ordres, un militaire armé nous tient en joue. Enfin, nous atteignons la sortie et sommes presque soulagés d’être face à des soldats en chair et en os pour le contrôle de nos bagages, même si nous fulminons quand ils retirent nos gâteaux palestiniens qui pourraient constituer des armes redoutables… "



L’équipe était composée de : Valérie Alaluf (médecine générale), Daniel Dekkers (ingénieur, organisateur), Olivette Mikolajczak (santé mentale), Michel Roland (médecine générale), Laurence Taca (économiste, information médicale), Jean-Pierre Thys (médecine interne, maladies infectieuses), Pierre Viart (cardiologie pédiatrique), Marie-Jeanne Wuidar (médecine générale).


Mots-clef : Gaza, Palestine, Santé, Israël, tunnels, blocus, pauvreté


3 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci pour toutes ces infos sur Gaza. Elles sont bien éclairantes!
MVM

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Tom Goldschmidt a dit…

Un "commentaire" n'ayant rien à voir avec le sujet de l'article a été supprimé.
Tom Goldschmidt